Oumar Sidibé, doctorant en relations internationales en Russie : — « ll faut arrêter d’idolâtrer la Russie, elle ne défend que ses intérêts »
— « Si la Transition veut régler le problème de l’insécurité de façon durable, il lui faudra au moins une décennie »
Dans une interview qu’il nous a accordée, Oumar Sidibé, doctorant en relations internationales en Russie, écrivain, promoteur de blog nous donne sa vision sur la transition malienne, la lutte contre le terrorisme, la relation Russie-Mali. Pour M. Sidibé, il est clair que « si la Transition veut régler le problème de l’insécurité de façon durable, il lui faudra au moins une décennie ».
Aujourd’hui Mali : Pouvez-vous présenter à nos lecteurs ?
Oumar Sidibé : Je m’appelle Oumar Sidibé, je suis auteur de quelques romans, dont j’ai publié le premier à 17 ans. Je suis depuis deux ans, doctorant en relations internationales en Russie, et je partage quelques fois mes recherches et réflexions sur mon blog officiel, www.oumarsidibe.com.
Vous êtes venus au Mali en février dernier lors du Forum gouvernemental sur la nouvelle vision géopolitique de la gouvernance démocratique dans l’espace ouest-africain. Depuis quand vous êtes en Russie et vous là-bas dans quel cadre ?
Cela fait environ 4 ans et demi que je vis en Russie. Je revenais du programme Yali, et j’ai été sélectionné pour l’obtention d’une bourse d’études étatique pour la Russie. Le programme Yali est une formation pour des jeunes de 14 pays d’Afrique. Il est financé par les USA et cherche à développer des compétences en leadership dans 3 domaines, à savoir : l’entrepreneuriat, le leadership civique et la gestion publique.
Pour revenir à la Russie, à l’époque, je ne parlais pas un mot russe. C’est différent maintenant, mais avant, je n’avais que très peu de connaissance sur ce pays. Mais une chose est certaine j’avais envie de la découvrir, et j’ai fait un saut vers l’inconnu.
Je suis parti en Russie pour un master en relations internationales. Initialement je prévoyais de faire mon doctorat au Mali, en France ou aux Etats-Unis, mais une bourse d’excellence m’a été offerte par mon université pour continuer directement vers le doctorat et j’ai accepté.
Nous avons vu quelques-unes de vos conférences publiques. Nous avons vu que votre blog traite différents sujets sociopolitiques qui concernent l’Afrique globalement, et particulièrement le Mali, quel regard portez-vous sur la conduite de la Transition malienne ?
Les sondages de la Fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung démontrent une dynamique et elle est constante. Les Maliens ont des attentes pressantes et attendent des réponses immédiates. La Transition malienne a su gagner le soutien et la confiance des Maliens en apportant des réponses à certaines questions politiques et sécuritaires existantes, notamment la question de la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la corruption.
Il n’y a pas que cela évidemment. Il y a également l’opposition à la France qui a permis à la Transition d’asseoir une forme de légitimité politique. Je rappelle que la France, était depuis quelques années déjà, accusée de mauvaise foi, au Mali, par des artistes, des leaders religieux et d’opinions, des députés et même d’anciens ministres.
D’ailleurs c’est peut-être bien cette opposition à la France, ainsi que les sanctions très inopportunes de la Cédéao qui ont renforcé la proximité des autorités de la Transition avec les Maliens, bien qu’il y ait eu de la part de la Transition un manquement aux premières obligations prises vis-à-vis de la Cédéao.
Justement, parlant de la Cédéao, nombreuses sont les personnes qui insistent sur le retrait du Mali de la Cédéao, qu’en pensez-vous ?
La Cédéao est une organisation et un projet authentiquement africain. Et la Cédéao porte plusieurs avantages pour les Etats membres et les citoyens de ces Etats. Il ne faut pas limiter la Cédéao aux conjonctures politiques que nous observons maintenant. Il est évident que la Cédéao est critiquable. Les sanctions contre le Mali, les accusations d’instrumentalisation dans l’intérêt des chefs d’Etats membres, ou d’un Etat membre ou de puissances exogènes…
Moi, je pense que la Cédéao est un pas vers l’intégration africaine et pas le contraire. Il y a des demandes politiques et populaires, je pense qu’elles doivent être discutées en son sein. Le Mali doit y reprendre sa place. Non l’abandonner.
Certains disent que l’armée monte en puissance. Mais malgré tout, l’insécurité persiste. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Je tiens avant toute chose à adresser à notre armée mes condoléances pour tous les militaires qui ont perdu la vie dans ce conflit, afin que le Mali reste debout. Quant à votre question, je pense que si la Transition veut régler le problème de l’insécurité au Mali, de façon durable, il lui faudra au moins une décennie. Il n’est pas possible de faire autrement. C’est pour cela que je pense qu’elle doit préparer des élections.
Il ne faut pas déconnecter les choses. Le terrorisme n’est pas la seule insécurité qui guette le Mali. Et les facteurs d’instabilité au Mali sont multiples. Les milices ethniques par exemple. On peut également citer le chômage accru des jeunes.
D’ailleurs, combien sont-ils dans nos universités qui ont perdu trois années uniquement du fait de l’incapacité ou de l’absence de volonté de l’Etat à organiser leur cursus convenablement ?